vendredi 22 janvier 2010

Plaidoyer pour nos arbres

A pied ou en tram , à chaque passage, le saccage est là sous nos yeux : la moitié des pins (14), qui commençaient à ombrager les bancs de la Place Masséna, ont été arrachés et 8 des coûteux lampadaires à l’ancienne supprimés.

Tout ça pour augmenter dans des proportions mégalomanes les places assises des tribunes du carnaval : 28 gradins !! 6202 places !! Dans le temps Carnaval n’avait pas besoin de toutes ces places assises. Mes enfants y allaient avec un masque, un faux nez, un maquillage carnavalesque et ils s’amusaient le long du parcours des chars. Toutes ces tribunes s’adressent essentiellement au « carnaval business » des tour operators et c’est pour les satisfaire qu’est organisé ce massacre de la place emblématique de la ville.

Et ne me demandez pas combien a coûté cette sinistre plaisanterie – car déplanter des arbres a un prix, et supprimer des lampadaires anciens aussi. Je n’ai vu aucun marché de la ville à ce sujet. L’office du tourisme ? la communauté urbaine ? peu importe ce sont vos impôts qui financeront.

Or il a fallu 10,5 millions d’euros de vos impôts pour aménager la partie sud de la place, des mois d’un chantier infernal. Quand nous (l’opposition, n’est ce pas) avons découvert cet espace minéral gris noir entièrement pavé de basalte (chinois de surcroit, c’est la notion locale de développement durable) nous avons protesté et obtenu des arbres. Les pins furent choisis, ce qui n’était pas le plus judicieux peut être car leurs racines très puissantes risquent à terme de malmener le revêtement. Ils avaient bien grandi en deux ans et leur ombre atténuait la fournaise dégagée par le revêtement sombre, vrai four solaire. Ils donnaient un petit air méditerranéen à cet espace vide et austère.

Le journal local s’est voulu rassurant : ils ne sont qu’arrachés, pas tronçonnés hein …et on vous le dit, ils seront gentiment rempotés dans les pépinières de la ville. … sauf qu’ils ne reviendront plus sur la place accorder une ombre légère ô combien nécessaire à la belle saison.

Est-ce le commencement de la fameuse « coulée verte » qui pour seulement 40 millions nous transformera la couverture du Paillon en une longue esplanade pour fêtes et congrès ? Et attention ! une coulée où, je cite : « l’espace festif (ne sera) pas jonché d’obstacles ». Les pins en étaient un, apparemment.

Le jardin Thiole aussi devait être une coulée verte. Certes la couleur y est, mais c’est celle d’un gazon artificiel en plastique qui bien sûr ne salit pas les petits enfants, maintenant … mais on imagine dans quelques années l’insalubrité de ce revêtement – en fait une moquette d’extérieur -accumulant poussières, pollutions de toutes sortes, qui finira par se dégrader en produisant des déchets difficilement recyclables. Et puis, disons le clairement il est MOCHE !!! Comme si un tapis brosse en plastique pouvait dans un espace vert remplacer l’herbe, son toucher, son odeur, et respirer comme elle et consommer le CO2. Comme réaménagement d’une ville, future vitrine du développement durable, c’est vraiment très fort.

Et dans ce même jardin, pendant les vacances de Noel, ni vu ni connu, les tronçonneuses ont fait disparaître un myrte splendide, vieux de 200 ans. Il est peu compréhensible qu’un tel spécimen n’ai pas été classé. On va nous répondre que l’arbre menaçait ruine et nous demanderons des preuves car cette essence ne pourrit pas. Mais le myrte ne reviendra pas.

L’attitude de la municipalité vis à vis de notre capital végétal urbain est inquiétante. On ne peut considérer l’environnement végétal urbain comme un simple décor jetable, remplaçable par du plastique et devant céder la place à des équipements rentables. Du brin d’herbe à l’arbre centenaire, du petit recul jardiné aux grands parcs, tout concourt à maintenir la biodiversité dans la ville en hébergeant une faune variée et à assainir une atmosphère à la qualité souvent médiocre.

Et petit rappel pour conclure : le carnaval 2010 a pour thème le développement durable.

lundi 18 janvier 2010

Ruban bleu pour élue verte

Eh bien il est temps de ré-animer ce blog.
D’autant plus qu’un vrai challenge attend Europe Ecologie et les Verts et qu’il faudra vous dire ce que les média tairont.
En attendant, une péripétie de là vie politique niçoise m’a directement concernée. Chrisitan Estrosi m’a remis ce matin l’insigne de Chevalière de l’Ordre National du Mérite. Je ne suis pas particulièrement friande de ce type de « distinction » surtout dans ma position … et j’ai accepté au nom de mes parents, réfugiés politiques de la guerre civile espagnole. Car j’ai de bonnes raisons de penser au vue de l’actualité française et niçoise, que s’ils demandaient asile aujourd’hui, ils auraient de grandes chances d’être reconduits à la frontière et remis aux franquistes.
Voici donc ce que j’ai répondu au maire, en réponse à un éloge franchement dithyrambique … que la circonstance n’imposait pas forcément.
« M. le maire vous avez retracé le comment de mon parcours permettez moi de garder un peu la parole et de vous expliquer un peu le pourquoi.
M. le Maire, je vous l’avais dit lorsque vous m’avez annoncé cette distinction, je ne l’ai pas acceptée pour moi-même mais essentiellement au nom de mes parents, pour lesquels cette année aurait marqué un anniversaire important et pour qui cette distinction aurait été l’aboutissement d’un long parcours.
Il y a 70 ans, mes parents, avec des milliers de leurs compatriotes, se repliant devant l’avancée des troupes franquistes, passaient la frontière espagnole et entraient en France. Ils étaient devenus des exilés, sans toit, sans maitrise de la langue française et renonçaient à tous leurs projets personnels, politiques et professionnels en Espagne au nom de leur combat pour une société de liberté et de justice.
La France les accueillit mais du bout des lèvres… pour beaucoup dans des camps de « regroupement » sur des grèves du Roussillon battues par les embruns et les vents de l’hiver 1939. Un grand nombre d’entre eux fut ensuite reconduit en Espagne franquiste, certains furent dirigés par un gouvernement indigne vers d’autres camps en Allemagne. Grâce à des solidarités multiples mes parents restèrent en France, trouvant malgré les persécutions du gouvernement de Vichy, l’énergie de fonder un foyer et de continuer leur combat dans la résistance avec un groupe de réfugiés espagnols. J’ai personnellement vu les ruines de l’usine que mon père avait saboté sur les ordres de Londres pour empêcher des composants d’explosifs de partir pour l’Allemagne.
Force est de constater que nous n’avons pas beaucoup progressé. Il y a une semaine j’étais avec un groupe de 50 réfugiés politiques de différents pays d’Afrique qui n’avaient ni toit pour s’abriter, ni aide effective de la part des autorités locales malgré des assurances verbales, réduits à un dénuement spectaculaire.
C’est pourquoi je dois dire que je viens de suivre avec un réel malaise pour ne pas dire plus les débats actuels sur la notion d’identité.
Je connais mes origines, elles font partie de moi mais elles ne me définissent pas. J’ai la nationalité française, acquise par naturalisation- quel drôle de mot n’est ce pas - , le même que pour empailler un animal, que je revendique avec fierté, elle ne me définit pas davantage. On est ce qu’on est devenu, ce qu’on a construit au fil des ans, une somme et on ne peut la réduire à une théorique et dangereuse notion d’ identité ; aujourd’hui devant les élus de la République, devant mes amis de militance, il me semble important de redire que ce qui importe vraiment c’est de se reconnaitre dans un projet de société basé sur les valeurs fondamentales énoncées dans les droits de l’homme et dans notre constitution. Et certainement pas de se perdre dans des discriminations et une posture protectionniste fut-elle à l’échelle de l’Europe.
Et justement ce que je suis devenue je le dois à mes parents bien sûr qui m’ont transmis leur ardeur à défendre les valeurs essentielles de justice, de vérité, de liberté, d’entr’aide, de travail bien fait.
Mais je le dois aussi à toute une chaine de « bonnes personnes » qui ont jalonné toutes ces années et qui étaient les citoyens d’une société que nous devons protéger.
Merci avant tout à mes institutrices, toutes admirables de conviction et de dévouement devant ces petites filles de toute l’Europe qui leur arrivaient avec la guerre : polonaises, italiennes, espagnoles. Ce sont mes institutrices de maternelle qui m’ont appris le français, c’est mon institutrice de cm2 qui vint chez nous un soir et sut trouver les mots pour convaincre mes parents de m’envoyer au lycée et m’accompagna pendant des mois, pour m‘aider dans ce monde étrange que je déchiffrais difficilement. Je serai toujours un ardent défenseur de l’école laïque française, creuset des générations successives qui font, qui sont notre société, avec la richesse de leur variété
Et puis il y a eu mon « patron » de fac, Max Pavans de Ceccatty, jeune professeur enthousiaste qui me transmit sa passion pour la recherche et l’enseignement, et me proposa mon premier poste d’enseignant chercheur. Faire confiance à cette étudiante au patronyme étranger, à Lyon, il y a 50 ans n’était pas une évidence. Merci aussi ici à Nice, aux grands scientifiques, que sont François Cuzin, présent dans cette salle et Michel Ladzunski, qui permirent notre installation à l’Université de Nice il y a 25 ans.
Et enfin il y a eu depuis plus de 40 ans LA bonne personne, mon époux, Ghislain Nicaise. Nous avons travaillé ensemble pendant toute notre carrière, milité de concert, élevé nos enfants, choyé nos petits enfants. Membre fondateur des Verts, chercheur infatigable, plume alerte et jardinier émérite, il m’a généreusement aidé à saccager un peu notre retraite pour écrire le chapitre de l'histoire familiale « mari-luz fait de la politique ».
Ce qui me ramène à ce lieu et à mes charges actuelles dont je voudrais dire un mot.
Comme je l’avais dit à un journaliste récemment, je ne suis pas que la petite dame des marchés, ni le St Just des turpitudes locales. Je suis une militante de l’écologie politique. Et ce sont autant mon background politique que mes activités professionnelles qui m’ont irrésistiblement amenée à un engagement politique fort et concret . Longtemps avant que tout édile se sente obligé des signer des pactes et des chartes de vertitude, les signes étaient là. Dès les années 70, en accompagnant mes étudiants dans des sorties d’étude de la faune, dans la campagne lyonnaise ou dans la rade de Villefranche, on pouvait constater que la faune s’appauvrissait inexorablement, que les eaux se dégradaient. Le verre d’eau de Dumont et la construction des centrales de Bugey et Malville furent les détonateurs d’une prise de conscience qui malheureusement et heureusement à la fois est maintenant universelle.
Cela peut paraitre paradoxal mais gérer la passation des marchés de la ville m’a permis et j’en remercie Monsieur le Maire, de participer activement à la mise en oeuvre d’une transition vers une gouvernance écologique. Désormais à Nice et à la communauté urbaine, toute attribution de marché de notation prend en compte des critères environnementaux et sociaux.
Ce qui me réjouit le plus c’est que la bonne volonté des services les a amenés pour la plupart en moins de 18 mois à surmonter une très classique résistance au changement et à réellement adopter de nouvelles pratiques. Je tiens à les associer aujourd’hui à cette cérémonie car la présidente de la CAO les a parfois bien secoués.
Ne nous trompons pas, aucun effet d’annonce venu d’en haut ne pourra verdir notre consommation, il faut une adhésion de toutes et tous, à un projet commun et les premiers résultats sont là.
Aujourd’hui, à Nice, les cantines scolaires ont davantage de repas et d’articles bio, les espaces publics ne sont plus arrosés de pesticides, les normes de construction évoluent spectaculairement pour les bâtiments publics, une certaine sobriété dans la consommation énergétique et dans la consommation tout court : papier, vêtements, véhicules …. se met en place. Mais si nous ne faisons que celà, nous en resterons à un stade cosmétique. Une ville verte c’est autre chose. Nous avons encore beaucoup à faire en particulier sur les grands projets structurants et il y a aussi les citoyens à convaincre mais surtout à faire participer.
Comptez sur moi ….
Je terminerai en vous lisant une partie d’un texte joyeusement explosif que nous a offert une auteure française, Fred Vargas

Nous y sommes !

Nous y voilà, nous y sommes. (…)
Nous avons chanté, dansé.
Quand je dis « nous », entendons un quart de l'humanité tandis que le reste était à la peine.
Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l'eau, nos fumées dans l'air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones .
Franchement on peut dire qu'on s'est bien amusés.
On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l'atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.

Franchement on s'est marrés.
Franchement on a bien profité.
Certes.
Mais nous y sommes.
A la Troisième Révolution.
Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) ....qu'on ne l'a pas choisie.
« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » (…)
Oui.
On n'a pas le choix, (…)
C'est la mère Nature qui l'a décidé (…)
La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.
De pétrole, de gaz, d'uranium, d'air, d'eau.Son ultimatum est clair et sans pitié :
Sauvez-moi, ou crevez avec moi (…)
Evidemment, dit comme ça, on comprend qu'on n'a pas le choix. (…)
Il y a du boulot, plus que l'humanité n'en eut jamais.
Nettoyer le ciel,
laver l'eau,
décrasser la terre,
abandonner sa voiture,
figer le nucléaire,
ramasser les ours blancs,
éteindre en partant,
veiller à la paix,
contenir l'avidité,
trouver des fraises à côté de chez soi,
ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin,
relancer la marine à voile, (…)
S'efforcer,
réfléchir, même.
Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude....être solidaire.
Avec le voisin, avec l'Europe, avec le monde.