jeudi 23 septembre 2010

Une histoire de Dengue Un écocide dans les jardins niçois, raconté par Mari-Luz et Courboulex



Lors du conseil municipal du 17 j'ai interpellé l'adjointe à l'environnement et le maire à propos des conséquences des pulvérisation de grande ampleur et sans discernement d'insecticides puissants pour "éradiquer" le moustique Aedes albopictus, surnommé "tigre".
le moustique Aedes albopictus, peut propager le virus de la dengue s'il a piqué une personne infectée par ce virus. En aucun cas il ne pourrait déclencher une épidémie car la maladie - sorte de grippe provoquant des douleurs articulaires et une grande fatigue - ne se transmet d'un sujet humain à un autre.
On peut donc juguler la progression de l'infestation des moustiques en les supprimant et de préférence en supprimant les larves, qui comme pour tous les autres moustiques se développent dans l'eau. Ce qui permet des traitements par un insecticide uniquement "larvicide" qui ne s'en prendra pas aux autres insectes volants.
J'a donc dit lors du conseil : "Les méthodes décrites cette semaine par la presse font frémir. Vaporisation des alentours de votre maison d’un insecticide puissant et dilué dans un solvant cireux qui va se déposer sur les feuilles des végétaux et autres supports et bien sur y rester un certain temps. On vous demande de ne pas sortir pendant le traitement, de rentrer vos animaux domestiques, de ne pas étendre du linge. Bref Beyrouth et pas que pour les moustiques.
Comment faire coexister les objectifs de ville sans pesticide, de couloirs de biodiversité en pratiquant de telles méthodes ? car sans insectes, les oiseaux , les chauves souris, les petits reptiles disparaissent. C’est toute la chaine qui disparaît.
Et il n’y qu’une parade : freiner au maximum le développement des moustiques en empêchant les larves de se développer. On bassine les particuliers avec les coupelles et autres pots de fleurs des balcons et jardins. Mais que fait la ville ? .... et c’est là que le bât blesse.

Allez vers la plate forme du tramway, là où il y a du gazon. Dès qu’un véhicule roule sur l’herbe des ornières se creusent et se remplissent d’eau. Tout près de la mairie sur Jean Jaurès il y a ainsi des petits marécages qui sont de vrais élevages. Ma rue est très mal entretenue et quand le balayeur passe il se forme constamment en amont de l’avaloir une large flaque qui persistera longuement, bien assez pour que les larves se développent. Si c’est vrai pour cette rue, ça l’est pour d’autres. Le panneau lumineux de la maison de l’environnement, pertinent et drôle, est tout à fait insuffisant vu l’ampleur du problème.
Nous sommes condamnés à donner l’exemple, nous devons revoir l’hygiène urbaine, inventer des ambassadeurs de la lutte anti-moustique chez les particuliers, dans les écoles, c’est largement aussi important que les ambassadeurs du tri.
Bref j’espère que la ville saura limiter au maximum le recours à des méthodes écocides d’un autre âge. "

Et curieux hasard : voici l'aventure subie par un ami, directeur de la sympathique "Gazette des jardins" qui vit rue Robiony et dont je transmets le communiqué

"Le jardin bio de la Gazette sous un déluge de pesticides
Ironie de l’histoire, la Gazette des Jardins – qui a été le premier journal à annoncer en 2006 la présence massive d’Aedes albopictus (alias moustique-tigre) dans le 06 – cultive son jardin bio depuis 25 ans à proximité du cas de dengue qui a fait l’actualité paranoïde de ces derniers jours.
Tout le quartier a donc été copieusement aspergé de pesticides (Cérathrine® mélange de deltaméthrine et d’esbiothrine).
- Samedi 18 septembre : traitement nocturne avec nébulisateur sur 4 x 4, portée 40 mètres
- Lundi 20 septembre : visite des jardins privés
- Mardi 21 septembre : traitement diurne des jardins privés avec nébulisateur portable
- Jeudi 23 septembre : nouveau traitement nocturne avec 4 x 4
Le cas du jardin de la Gazette
Absents jusqu’à mardi soir, nous avons par téléphone interdit l’accès aux techniciens de l’Entente Interdépartementale de Démoustication Méditerranée (EID) pour la bonne et simple raison que l’application de produits tels que la deltaméthrine est interdite en présence d’abeilles. Or, notre jardin est butiné très tôt car nous avons une profusion de fleurs de courgettes (entre autres) en cette période.
Néanmoins ces pesticides ont été copieusement répandus dans les jardins voisins formant un nuage sur tout le quartier.
Premières constatations
De retour le 21 septembre, nous avons pu constater :
- La fuite des oiseaux qui étaient très présents auparavant, à l’exception d’un tout jeune merle et
d’un couple de tourterelles qui n’est à aucun moment descendu au sol. Le jardin était très bruyant dès le lever du jour, désormais c’est silence de mort !
- Les pollinisateurs qui pullulaient se comptent sur les doigts des deux mains : les guêpes sont visiblement désorientées, les bourdons semblent ne pas avoir souffert. Les abeilles ont déserté, quelquesunes viennent butiner les fleurs d’aubergine orientées vers le bas et situées près du sol.
- De très rares papillons s’approchent des plantes puis s’enfuient sans les toucher.
- Il n’y a plus d’autres insectes qui résidaient pourtant en masse dans ce quartier fleuri toute l’année.
- SAUF les Aedes albopictus qui se sont réfugiés à l’intérieur de la maison ainsi que dans les bacs de ramassage du tri sélectif.
Ce qui nous met en colère
Nous ne contestons pas l’opportunité de l’arrêté préfectoral qui a déclenché cette guerre chimique, MAIS :
- Nous n’acceptons pas que des traitements aient été effectués en plein jour, au mépris des abeilles et autres pollinisateurs.
- Nous condamnons la communication de l’EID qui a dit à tous les résidents qu’ils pouvaient manger leurs légumes le jour même après les avoir lavés alors que le DAR (délai avant récolte) de la deltaméthrine varie de 3 à 90 jours selon les légumes (données disponibles sur le site du Gouvernement (http://e-phy.agriculture.gouv.fr/).
- Nous nous interrogeons sur la toxicité de l’esbiothrine dont l’emploi en agriculture est non autorisé
en France.
- Nous déplorons que les deux petits magasins de légumes situés à quelques dizaines de mètres des zones traitées de jour n’aient absolument pas été prévenus de cette intervention, au moins pour protéger leurs étalages pendant la nébulisation.
Les méthodes de lutte doivent changer
Pendant des années, la présence de l’Aedes albopictus a été minimisée (tourisme oblige), puis des prospectus ont été distribués avec des messages culpabilisants du genre « videz les coupes sous les pots de fleurs ». Cela vaut bien entendu en climat tropical où il pleut tous les jours, mais en Méditerranée les orages sont rares et le contenu d’une soucoupe s’évapore en deux jours, voire moins. Or il faut une semaine aux larves pour se développer… Désormais on accuse les bambous, pourtant ceux-ci ne sont pas des réservoirs d’eau stagnante.

Pendant ce temps le PRINCIPAL VECTEUR de la propagation rapide du moustique-tigre est ignoré. Il s’agit des GBA, ces bornes rouges et blanches utilisées sur les chantiers routiers et qui ont toutes perdu leur bouchon. La photo ci-contre a été prise dans la rue même où réside le malade de la dengue, trois GBA pleines d’eau ont été laissées sur place, elles n’attendent que la dissipation des insecticides pour redevenir des couveuses à moustiques-tigres.

- Les poubelles remplies par les pluies de la semaine dernière n’ont pas été vidées et sont envahies de mouches à m… qui apparemment se contrefichent des effets du produit de traitement.
- Les conteneurs jaunes destinés aux emballages ne sont pas percés, l’eau y croupit, les transformant en d’excellents incubateurs.
- La Direction du Territoire Ouest Littoral, située dans le quartier, n’a toujours pas vidé sa fontaine désaffectée.

Plus jamais ça !
L’Aedes albopictus s’est installé dans les Bouches-du-Rhône depuis trois ans, des lecteurs de la Gazette des Jardins ont noté sa présence en Avignon et dans l’Ardèche cette année, ainsi qu’à près de 1000 m d’altitude dans le massif du Mercantour. La Dengue, le Chikungunya, voire la Fièvre du Nil vont forcément déclencher d’autres alertes au moustique-tigre dans les villes.
La question est simple, va-t-on transformer les refuges de biodiversité que sont nos cités en athanées sans insectes et sans oiseaux où le végétal ne sera plus qu’en plastique coloré ?"

En conclusion : que la ville de Nice autoproclamée ville sans pesticides commence par montrer l'exemple.

Aucun commentaire: