vendredi 28 janvier 2011

Pas question d'un comité d'éthique de la vidéosurveillance à Nice

Aujourd'hui s'est tenu le conseil municipal de Nice. Le point majeur était le débat et le vote du budget primitif. Il met cruellement en relief le futur endettement de la ville mais bien évidemment nos critiques ont été balayées par de longues autocongratulations.

Il y avait aussi deux délibérations importantes portant sur un renforcement massif du système de videosurveillance.
Je suis intervenue pour dénoncer et le système et son coût mais aussi pour proposer une démarche citoyenne appliquée par d'autres villes comme Rouen par exemple :

"Le Conseil Municipal a adopté ici fin 2008, le principe de l’équipement en caméras de vidéosurveillance. Vous m’excuserez mais je n’adopterai pas la novlangue consistant à les rebaptiser caméras de videoprotection. J’avais alors exprimé fortement ma désapprobation. Je n’ai pas changé sur ce point … mon refus s’est même renforcé. Pour plusieurs raisons :
1 - Ce système n’est pas efficace :
Le but recherché et affiché est de garantir la sécurité des citoyens. Je ne nie pas qu’un équipement de vidéosurveillance performant restreint à des points sensibles pourrait aider une politique basée sur des moyens humains efficaces.
Mais nous assistons à une dérive folle inverse : j’ai fait l’expérience, de la porte de mon domicile à la mairie je suis constamment – ainsi que des milliers de mes concitoyens – suivie par des caméras : dans la rue, comme dans le tram, et jusque dans les escaliers de la mairie.
Ce suréquipement digne d’un roman d’Orwell n’a apporté aucune amélioration sensible dans les quartiers concernés et par un effet pervers il crée un véritable appel de la délinquance dans les zones moins équipées. Donc nous allons acheter encore plus de caméras, travailler avec toutes les polices du département et jusqu’où ira cette coûteuse frénésie ?
Si on lit la convention de groupement de commandes avec NCA on apprend que si le minimum du marché , seul chiffre apparaissant dans la délibération est de 500 000€, le montant estimé par les services pour la première année est de 3,5 M d’€ et de plus que ce marché va durer 5 ans… on pourrait donc dépenser 17 M …
Nous l’avons dit à la presse, et je le réaffirme, que la vraie lutte contre les violences urbaines et incivilités de tout genre passe par une prévention – non cosmétique – Que cette prévention exige des moyens humains conséquents. Et que les sommes pharaoniques citées plus haut seraient bien mieux employées en accompagnements de tous ces jeunes et moins jeunes en difficulté.
2 – Ce système peut entrainer des dérives en termes de surveillance de personnes identifiées et de non sécurisation des données, et surtout c’est un système très peu démocratique.
C'est pourquoi j’aimerais vous proposer un défi.
Nice n’est pas la seule ville à recourir à de la vidéosurveillance, d’autres villes y ont eu recours, dans des proportions moindres, et pourtant dans un souci de démocratie active et participative, elles ont mis en place un comité d’éthique chargé de mettre en application une « charte d’éthique et d’évaluation de la vidéosurveillance municipale. »
Et ceci dans les strictes limites de la loi, et en particulier de la circulaire de mars 2009 relative aux conditions de déploiement des systèmes de vidéoprotection
Je vous demande donc , instamment, de mettre en œuvre cette démarche à Nice.
Installer un comité d’éthique composé pour moitié d’élus (y compris de l’opposition) et pour moitié de représentants d’institutions et d’associations :
- qui veillerait à ce que le système de vidéosurveillance ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales publiques et privées
- qui soit consulté sur toute modification et extension
Rédiger et mettre en oeuvre une charte par laquelle la ville s’engagerait en particulier :
- A informer de manière claire le public (comme la loi le prévoit) de l’existence des systèmes de surveillance avec une signalétique précise
- A tenir à la disposition du public la liste des lieux placés sous vidéosurveillance, en particulier sur le site web
- A être particulièrement vigilante sur la confidentialité du CSU (formation des agents, tenue des registres etc)
- A tenir à la disposition du comité d’éthique les registres consignant les lectures des enregistrements ainsi que les dates des destructions de ces images à la fin du délai de garde
La vidéosurveillance est un outil. Créer ce comité d’éthique montrerait un réel souci de la ville et de son maire de concilier les impératifs du maintien de l’ordre avec l’impératif du respect des libertés publiques. "

Le maire m'a répondu en esquivant la proposition et en se lançant dans un soliloque grandiloquent : j'installerai des cameras dans chaque rue, chaque recoin de la ville. Nul n'échappera

C'est l'adjoint, l'ex colonel Kandel qui a répondu par la négative à ma demande de comité d'éthique (les magistrats suivent le fonctionnement du centre de surveillance, ça suffira pour l'éthique et la démocratie). Il ensuite tenu cette ahurissante et inepte interprétation. Je cite d'après mes notes : la fréquentation touristique de Nice a augmenté depuis la pose des caméras, de 280 000 visiteurs par an. Cette augmentation est attribuable à la sécurité induite selon lui par les caméras. Et donc les caméras sont une valeur ajoutée et un système créateur de richesses.

Faut-il rire, trembler devant tant de mépris, de mauvaise foi et de mercantilisme?