vendredi 30 septembre 2011

Un racisme ordinaire

Petit billet sur le vie d'une élue ordinaire dans une ville pas ordinaire. Ma semaine s'est conclue à la mairie par une séquence digne des "Tranches de vie" de Lauzier (clin d'oeil aux années 70).

Il y a dix jours une secrétaire au bord des larmes m'appelle au bureau pour me demander si j'accepterais de faire les mariages du vendredi 30 car aucun des conseillers contactés n'était disponible. Surprise, je donne mon accord et lui signale qu'étant dans l'opposition, il me fallait un arrêté du préfet autorisant le maire à me déléguer sa signature et que normalement deux à trois semaines de délai étaient nécessaires. En tant qu'élus d'opposition, nous ne célébrons en effet que les mariages pour lesquels les futurs mariés nous demandent comme officier d'état civil.

Aujourd'hui, après avoir obtenu confirmation, je viens un peu avant l'heure prendre connaissance de l'état civil des trois couples prévus pour prévoir un petit mot gentil.... Instant de franche rigolade intérieure quand on me raconte que la malheureuse secrétaire qui m'avait appelée en était à ses débuts, n'aurait pas dû me demander ... que cela ne se produirait plus (!!!) ... apparemment il y a eu quelques remous ...

Je dois célébrer les mariages de deux couples de jeunes tunisiens, puis celui d'un jeune français avec une jeune femme originaire de Taïwan.

Bref, je reviens à l'heure fixée et on m'accueille avec des mines consternées et des remarques exaspérées. Le premier mariage est en retard, "ils" ne sont pas encore venus se présenter, "ils" ne sont pas comme nous , "quand on voit certains patronymes on sait qu'ils seront en retard". Le retard s'accentuant,les remarques se font plus acerbes. Je finis par dire que depuis que je suis à la mairie, je n'ai vu aucune réunion ou cérémonie commencer à l'heure et que le maire nous a fait subir jusqu'à une heure de retard après nous avoir convoqués à 8h du matin pour le conseil municipal. Ambiance ....

Finalement le cortège du 2ème mariage étant au complet avant le 1er, nous inversons les cérémonies. J'ai eu le temps de discuter avec des parents en attendant et les dames me disent dans de grands rires qu'il y a un dire tunisien sur le temps qu'il faut à une mariée pour sortir de sa maison ce jour là.

Pour les deux cérémonies, salle comble, ambiance très gaie, mariées d'une grande beauté, aux mains décorées avec raffinement par les traditionnels motifs au henné, pleins de gosses, les youyous. C'est un vrai plaisir de dire quelques mots sur la Tunisie aujourd'hui et de faire la bise aux nouvelles épouses.

De retour au secrétariat j'ai encore droit aux commentaire sur le nombre considérable de mariages des "ils" par rapport aux "gens de chez nous" (80% parait-il), comme si cet état de fait pouvait être reproché à qui que ce soit. Avec les tracasseries administratives dont est l'objet toute personne d'origine immigrée - même à la seconde génération - je les comprends fort bien.

Heureusement je dois dire que l'accueil qui a été fait aux mariés et leurs témoins était tout à fait correct et aimable.

Il n'y a que moi qui a été témoin de l'état d'esprit consternant de certains de mes concitoyens, employés municipaux de surcroît. On frôle le racisme ordinaire. .. et dans quelques mois un tiers de mes concitoyens votera peut-être pour une certaine candidate. J'en ai froid dans le dos.






1 commentaire:

Hubert 06 a dit…

Bonjour et merci pour ce billet, témoignage double du racisme ordinaire qui s'enracine dans nos villes et notre quotidien et la difficulté de vivre de l'élu local d'opposition dans certaines municipalités.

Hubert.