lundi 23 décembre 2013

CAP 3000 : suite, l'enquête publique


L'enquête publique aux fins de déclaration d'intérêt général de l'extension de Cap 3000 a eu lieu fin octobre. Je retranscris le dire que j'ai déposé auprès de la commission d'enquête et autel s'est associé Annabelle Jaeger :

Objet : Enquête publique sur le projet de Rénovation/extension du Centre commercial CAP 3000 à Saint-Laurent du Var, comportant une mise en compatibilité du PLU

Observations de :
Mari-Luz Hernandez-Nicaise, Conseillère métropolitaine de Nice-Côte d’Azur , et de
Annabelle Jaeger, conseillère régionale PACA,


Monsieur le commissaire enquêteur,

Le projet objet de l’enquête, présente des caractéristiques qui en font un cas particulier :
•    C’est un projet portant exclusivement sur des équipements commerciaux. Il a dû être approuvé par la CDAC (arrêté préfectoral du 19/02/13, définitif le 19/04/13) d’où obligation d’un porté à connaissance au préfet pour obtention du permis de construire.
•     L’aménagement de la voirie s’effectue dans le cadre d’un PUP (Projet Urbain Partenarial) entre NCA (qui finance à Hauteur de 25%) et ALDETA (propriétaire du bâtiment, qui finance à 75%). Le coût, conséquent pour les contribuables, requiert donc une véritable utilité publique du projet.
•    Le projet est classé ICPE : Installation Classée pour la Protection de l’Environnement car toute sa lisière Est longe la rive droite du Var, exactement au long d’une zone classée Natura 2000

Après consultation des éléments constitutifs du projet et des avis des autorités compétentes, nous souhaiterions apporter notre contribution sur les points suivants :

- une observation générale sur le développement commercial azuréen et l’incidence du projet sur la qualité de vie des Laurentin-es et des clients du centre commercial
- Les solutions apportées aux exigences du PPRI,
- les incidences environnementales.



I - L’EXTENSION DU CENTRE COMMERCIAL : pour quels bénéfices réels et pour qui ?

La transformation du site existant, vétuste, sans grâce, envahi par des parkings peu fonctionnels , dépourvu d’espaces verts est une nécessité.
Cependant nous ne sommes pas devant un exercice de simple réhabilitation, mais devant une opération d’extension massive :
-     La  surface de vente sera portée de 37 946 à 63 946m2, et corrélativement la surface plancher, passera de 76 763  à 136 963 m2.
- L’extension serait susceptible de  permettre la création de 1300 emplois,  mais aucune projection argumentée de cette affirmation n’est fournie dans le dossier, ni n’a d’ailleurs été présentée en Conseil métropolitain. Par contre il est avéré que pour un emploi créé en grande surface, 3 à 4 emplois disparaissent dans le commerce « traditionnel ». Les boutiques franchisées de luxe sont celles que l’on trouve dans le centre de Nice et qui souffrent déjà dans un contexte de crise économique.

Pertinence du projet :

Nous nous posons donc la question, non traitée, de la pertinence d‘un projet d’extension d’une telle ampleur. D’autant plus que la CDAC a également donné son accord au pôle commercial du Polygone à Cagnes, et le donnera certainement aux moyennes et grandes surfaces (Ikea entre autres) annexées à « l’Allianz Stadium » de St Isidore (à 15 min de trajet).
Le futur de cette nouvelle grande surface commerciale ne nous semble pas forcément assuré avec cette abondance de centres commerciaux  dans une zone restreinte sans arrivée massive prévisible d’une nouvelle clientèle.

Incidences sur le PPDA :

Les aménagements de voiries, portent sur les nœuds gordiens des accès automobiles : giratoires, largeur des voies etc..  aucune emprise nouvelle sur la berge du fleuve n’est envisagée, et tous les aménagements reprennent les emprises actuelles
Nul doute qu’une certaine fluidification est probable aux abords du centre à l’issue des travaux.

Mais ce centre se situe à la limite Est de Saint Laurent, cité très dynamique dont les actifs (75% de la population) se déplacent beaucoup : 3900 sorties et 4700 entrées par jour, plus un fort trafic de marchandises. Si bien que les sorties/entrées de St Laurent sont congestionnées en permanence.
Dans le projet soumis à l’enquête : les 2900 places de parking seront portées à 4500, et le trafic routier augmenterait de 34 à 45%. Il est actuellement de 25 000 véhicules/jour, ce qui le porterait à environ 35 000
Il est à noter qu’aucune ligne d’autobus ne relie directement le centre commercial à Nice et évoquer une ligne 4 de tramway relève aujourd’hui de la fiction. Une rupture de charge rebute visiblement la clientèle qui préfère venir en voiture.

Quant aux modes dits doux : les réserves d’emprises dédiées n’apparaissent pas sur les cartes
*aucune piste cyclable n’est créée pour relier directement le centre commercial au centre de St Laurent, ou à la Gare… et venir de Nice en vélo n’est pas à la portée du client standard.
* aucun cheminement piéton réellement sécurisé à partir de la gare n’a été prévu, et les cheminements dans le site ne sont pas explicités par une carte claire et détaillée.

Donc si l’on additionne l’augmentation de la clientèle, du personnel, du transport de marchandises, déchets etc... on peut s’attendre non pas à une fluidification du trafic, mais à une congestion permanente.

Cette congestion ne peut qu’avoir un impact défavorable sur la qualité de l’air, déjà déplorable puisqu’il est fait état de mesures de NO2 sur le site, chroniquement au delà des valeurs limites pour la santé des personnes

Qualité du bâti
L’« éco-exemplarité » du bâti est longuement décrite avec pour objectifs : la« reconstitution du paysage du delta initial » avec un « promontoire entre fleuve et mer » et la création d’une Rambla avec une place accrue de la végétation …. Soit…

Mais pour accommoder tous ces m2 il a fallu relever le COS (coefficient d'occupation des sols), et porter la hauteur maximum des bâtiments de 18 à 28 mètres ...ironie… ce sont les bâtiments en « front de mer » qui offriront une façade de verre de 28 m face à la mer. Si bien que derrière cette façade, donc sur tout le reste du site, la mer ne sera pas visible pour un piéton… étrange conception de l’éco-construction.

En outre cette néo-falaise minérale risque d’avoir des effets drastiques sur l’avifaune (voir § III)


II – TRAITEMENT DU RISQUE INONDATION PPRI :

Le centre commercial a été  construit sur une ancienne zone lacunaire et la zone est classée zone rouge sur une marge de « recul » le long du Var et zone bleu foncé pour le reste. La réalité est donc que toute la zone est soumise à un risque fort d’inondation en cas de forte crue : l’eau pourrait en cas de crue dite « centennale »  submerger la digue existante. La solution proposée est la réalisation d’un chenal de récupération et d’évacuation des eaux de surverse.
Ce chenal est en fait sur son trajet nord la voie d’accès du parking souterrain à créer, puis se prolonge à l’intérieur de la digue par une canalisation en béton armé, de section rectangulaire (3,5 m X 6 à 8 m) qui se rétrécit à l’aval. Son débouché dans lamer n’est pas indiqué avec précision dans les documents fournis.
Le long du chenal un mur de 3 m de hauteur sera construit, et sera végétalisé pour adoucir l’impact visuel de cette muraille.
Aucune étude hydraulique n’est exposée, le lecteur ne dispose d’aucun élément de calcul  pour évaluer le débit de surverse, ni pour évaluer la capacité d’évacuation du chenal. D’autant qu’on se garde bien de nous fournir une coupe en long de ce mini tunnel avec une indication de sa pente.
Par comparaison avec des documents techniques industriels, on n’arrive en aucun cas à un débit permettant d’assurer plus de 10% du débit décennal Q10 de 900 m3/s. Or lors de la petite crue du 5 novembre 2011, d’un débit de  crête de 1330m3/s, tout le parking actuel fut inondé, que dire d’un silo enterré.…

En cas de crue, le parking sera fermé par des portes étanches .. mais encore faudra-t-il que le personnel de surveillance puisse avoir le temps et les moyens de le faire à temps.

Quels sont en outre les risques encourus par la digue elle –même en cas de crue soudaine, surverse et embâcle dans la partie souterraine du chenal ? N’est-il pas évident qu’une structure pleine ne peut qu’être fragilisée par un évidement de cette importance ?
Comment fonctionneront les « grilles fusibles » aux extrémités du chenal souterrain en cas de montée très rapide en l’absence de personnel ?

Quelles sont les solutions alternatives envisageables ?
Pourquoi n’avoir pas envisagé, puisqu’on reconstruisait, un recul plus important des installations commerciales?
Un parking souterrain, dans un terrain gorgé d’eau, s’imposait-il ?

En définitive le risque d’inondation reste important particulièrement au delà de la période de référence choisie ou en cas de dysfonctionnement des ouvrages. Le taux de fréquentation prévisible et les problèmes d’engorgement des accès rendent ce risque particulièrement préoccupant.


III - LES INCIDENCES ENVIRONNEMENTALES

Le document « s’attache à répondre strictement à l’évaluation des incidences Natura 2000 du périmètre ZPS « basse vallée du Var » (ZPS FR9312025, actée le 3/03/2006) et termine par une phrase d’anthologie : « rappelons que le dérangement de l’embouchure est l’une des causes principales de la dégradation régulière de la qualité biologique de cette zone humide »

Le fleuve Var est le seul habitat favorable, dans les Alpes Maritimes, à l’accueil d’oiseaux migratoires, comme les sternes, des échassiers comme le blongios ; à cette fonction d’accueil (halte ou nidification) s’ajoute  la fonction d’aire de pour des rapaces en particulier. Sur les 46 espèces inventoriées, 36 sont classées « d’intérêt communautaire ». 

 L’estimation du « niveau global d’atteinte à la conservation » sur plusieurs espèces protégées (pp 42 à 46) conclut à des risques modérés à forts et préconise un phasage du chantier évitant les périodes de reproduction et migration, en particulier impérativement éviter avril à mi juillet.

Notons que les habitats de ces espèces ne se trouvent pas dans le périmètre strict de l’opération mais en bordure, et seront donc impactés par la conduite du chantier du parking souterrain et surtout par la réalisation du chenal de surverse.

Le chantier exige en effet une emprise d’au moins 2 m, donc atteinte à la zone de nidification de plusieurs espèces (destruction de la phragmitaie abritant les sternes et le blongios). Pour toutes les espèces migratrices, les risques sont estimés de faibles à forts, mais pas décrits de façon précise.
Pour ménager les nuisances visuelles aux oiseaux du site, le chantier sera délimité le long du Var par un « parement occultant » métallique. On peut douter de l’efficacité de ce dispositif, mais on peut être certain de la nocivité de sa pose.

Par contre rien ne pourra réduire les nuisances sonores très importantes :
•    nuisances extrêmes (bruit et vibrations) lors de l’implantation, puis du retrait des palplanches indispensables pour couler les parois du parking enterré
•    nuisances sonores, pollution chimique éventuelle surtout en cas de pluie, lors de la déconstruction, puis reconstruction de la digue autour du chenal
•    nuisances récurrentes du passage des engins

A ces nuisances du chantier  - qui ne pourra pas à notre avis se dérouler uniquement d’octobre à décembre pour éviter les périodes de reproduction, s’ajouteront ensuite les nuisances inhérentes au bâti. Tout particulièrement les immenses façades vitrées – même traitées – augmentent le risque de collision et sont un facteur de  surmortalité de l’avifaune.

En outre l’effet réel des incidences cumulées de TOUTES les opérations réalisées (Stade, Voie des 40 m, route M202bis), en cours de réalisation (Nice Meridia, piscine olympique, Nice Arena, transfert du MIN) additionnent les conclusions toutes positives de chaque étude d’impact.
Or chacune de ces opérations signifie la suppression d’au moins 20 hectares de terres agricoles ou d’espaces naturels, donc réduit pour les oiseaux de la ZPS, les aires de nourrissage. Et à ce rétrécissement de l’espace s’ajoutent certainement les dégâts causés par l’utilisation souvent intensive de phytosanitaires et insecticides. Cette réduction inexorable de leur approvisionnement est une des causes de la réduction constante des populations de l’avifaune de la basse vallée du Var.


En conclusion :

* SUR LE RISQUE INONDATION

Dans le cadre de cette enquête publique, nous avons noté le manque des précisions qui auraient permis d’évaluer le risque inondation. Et ceci d’autant plus que les informations résultant d’une étude en cours sur la dangerosité des digues du Var ne sont pas connues. Nous n’avons pas la possibilité d'émettre un avis en toute connaissance de cause sur un projet ce cette ampleur qui risque d'engager la sécurité de milliers de personnes, employés et clients.
   
Nous demandons au commissaire de surseoir à décision et de fournir un supplément d’information sur les performances attendues du chenal d’évacuation des eaux de surverse, et une étude présentant une alternative plausible

* SUR LA DESSERTE VIAIRE   

Nous demandons qu’une nouvelle présentation soit faite mettant en évidence des réservations d’emprises pour une liaison cyclable sécurisée avec le centre de St Laurent, et pour des cheminements piétons : de la gare au centre et dans le centre lui même

* SUR LES INCIDENCES ENVIRONNEMENTALES   

Nous estimons que ce projet sous-estime gravement les risques encourus par la zone de nidification et de nourrissage la plus importante de l’estuaire du Var et que les mesures de protection proposées ne sont ni à la hauteur des risques encourus, ni à la hauteur de l’enjeu de préservation d’un site unique de biodiversité, protégé au titre de la directive Habitat Oiseaux de l’Europe.

Ce projet ne prend pas en compte les effets cumulés de toutes les opérations mises en œuvre dans le cadre de l’OIN. Ce problème a déjà fait l’objet d’une saisine de la commission des pétitions du Conseil de l’Europe. Ce dossier viendra s’ajouter à ceux déposés.

Il est évident que nous ne pouvons en l’état que donner un avis défavorable à ce projet

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